Cet article synthétise les connaissances épidémiologiques sur les effets des expositions psychosociales sur la santé, en s’appuyant sur des méta-analyses publiées au cours des vingt dernières années. Il repose notamment sur les modèles explicatifs de Karasek et Siegrist, ainsi que sur la classification de Gollac et Bodier qui identifie les six facteurs de risques psychosociaux.
Relations entre facteurs et atteintes
Les résultats de l’étude de décembre 2024 (Gautier, Langevin, Colin et Boini) sont codés, ci-dessous, sous forme d’un tableau associant expositions psychosociales et indicateurs de santé, en tenant compte du niveau de certitude établi par la nature et le nombre des études disponibles. Lorsque ce niveau est élevé, l’estimateur quantifie la relation, avec un intervalle de confiance à 95 %.
> Liens entre expositions psychosociales et santé :
Karasek, Siegrist et leurs particularités
Parmi les expositions psychosociales, l’intensité et le temps de travail sont largement étudiés à l’heure actuelle. Le modèle de Karasek met en avant l’impact des exigences psychologiques combinées à une faible latitude décisionnelle, tandis que celui de Siegrist insiste sur le déséquilibre entre efforts fournis et récompenses obtenues.
Un temps de travail supérieur à 48 heures par semaine ou à 40 heures en cas de grossesse est associé à des effets négatifs sur la santé.
Le manque d’autonomie, défini par la latitude décisionnelle de Karasek, est un facteur de risque reconnu aujourd’hui. Il affecte la santé mentale et augmente le risque de troubles musculo-squelettiques (TMS). Les rapports sociaux dégradés, incluant le faible soutien social, les faibles récompenses et les violences internes (harcèlement moral ou sexuel), influencent également la santé.
Les conflits de valeurs, dus à des contradictions entre les exigences professionnelles et les valeurs personnelles, sont étudiés plus récemment, tout comme les difficultés de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. L’insécurité de la situation de travail est actuellement abordée sous l’angle du ressenti des salariés plutôt que par l’analyse de la précarité de l’emploi.
Des effets multiples sur la santé
L’étude de décembre 2024 examine divers effets sur la santé, notamment les maladies cardiovasculaires (cardiopathies ischémiques et accidents vasculaires cérébraux), le syndrome métabolique (obésité, diabète de type 2, hypertension), et les comportements à risque (inactivité physique, tabagisme, consommation d’alcool). Les TMS sont un autre effet largement documenté, touchant différentes localisations corporelles et évalués par des auto-questionnaires ou des diagnostics médicaux.
La santé mentale est le domaine le plus investigué, avec des liens établis entre expositions psychosociales et troubles dépressifs, anxieux, burnout, idées suicidaires et troubles du sommeil. Ces troubles sont évalués à l’aide de questionnaires standardisés ou par diagnostics psychiatriques. La consommation de médicaments psychoactifs est aussi utilisée comme indicateur indirect.
Typologie des accidents de travail
Les accidents du travail sont principalement auto-déclarés, bien que certaines études s’appuient sur des registres et des statistiques de l’Assurance Maladie. D’autres atteintes à la santé incluent les issues défavorables de grossesse (fausse-couche, prématurité, hypertension gestationnelle), les allergies cutanées et les maladies respiratoires.
Aujourd’hui, la majorité des études sont européennes, en particulier dans les pays scandinaves, sauf pour les accidents du travail qui sont davantage étudiés en Amérique du Nord. Les populations enquêtées incluent des travailleurs du secteur privé, du médico-social et, dans une moindre mesure, du secteur public. La majorité des études ne cible pas de classes d’âge particulières, mais les jeunes sont plus souvent étudiés pour les comportements à risque et les plus âgés pour la santé mentale et le syndrome métabolique.
Enfin, peu d'études prennent en compte la durée des expositions et les situations de multi-expositions au-delà des modèles Karasek et Siegrist. Les liens entre expositions psychosociales et santé sont bien établis pour certaines pathologies (santé mentale, TMS, maladies cardiovasculaires), mais restent à approfondir pour d'autres, notamment les effets des conflits de valeurs et des difficultés de conciliation travail-vie personnelle.
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